Fin 2004, le musée Malraux recevait l'extraordinaire donation Senn-Foulds. 71 peintures, 5 sculptures et 151 dessins parmi lesquels des œuvres de Courbet, Boudin, Monet, Pissarro, Renoir, Sisley, Derain, Marquet, Matisse, Bonnard... Après l'exposition inaugurale de 2005, le fonds de dessins a regagné les réserves. Trois ans plus tard, passée la période nécessaire de repos, mise à profit pour mener des recherches approfondies sur les œuvres, la collection d'art graphique d'Olivier Senn est présentée en trois volets successifs. Le premier est consacré à Henri-Edmond Cross, dont Senn achète un nombre important de dessins et aquarelles à la vente de la dispersion de l'atelier de l'artiste, en 1921. Le second sera dédié à Edgar Degas dont Senn constitua un très riche ensemble à l'occasion des quatre ventes posthumes de l'artiste et le troisième au reste de la collection qui comprend notamment des œuvres de Boudin, Guillaumin et Marquet. Pour chaque exposition, les œuvres graphiques de la collection Senn sont mises en perspective avec des dessins en rapport, provenant de collections publiques ou privées.

Henri-Edmond Cross (1856-1910) fait la connaissance de Seurat et de Signac en 1884 au Salon des Artistes Indépendants. L'année de la disparition prématurée de Seurat (1891), il expose son premier tableau divisionniste, et marque ainsi son ralliement au groupe des néo-impressionnistes.

Comme eux, il accorde une attention particulière au dessin. Légère et rapide, l'aquarelle lui permet de s'affranchir des règles strictes de l'élaboration du tableau pointilliste. « Je me repose de mes toiles par des essais à l'aquarelle et des esquisses en me servant de cette matière. C'est amusant. L'absolue nécessité d'être rapide, hardi, insolent même, apporte dans le travail une sorte de fièvre bienfaisante... » écrit Cross au peintre Angrand. Installé près de Saint-Tropez, comme Signac, Cross trouve dans cette technique le moyen le plus sensible pour rendre la limpidité des lumières et des paysages méditerranéens.

Cross exécute de nombreuses aquarelles, certaines comme de simples prises de notations sur le motif, et d'autres, plus composées et conçues comme des œuvres à part entière. Mais il est aussi un merveilleux dessinateur. Si certaines pièces se révèlent être des études préparatoires pour des peintures, avec parfois des mises au carreau, d'autres s'affirment comme des œuvres à part entière.

L'exposition réunit les 2 peintures, 28 dessins au crayon et au fusain, 9 aquarelles et un pastel de la donation Senn-Foulds ainsi qu'une quinzaine d'autres aquarelles provenant de collections publiques et privées, mais aussi 3 peintures exceptionnelles associées à leurs dessins préparatoires.

Parallèlement et en écho à l'exposition Henri-Edmond Cross, le musée présente une série de huit œuvres vidéographiques de l'artiste contemporain néerlandais Ger Van Elk, dont le travail critique sur l'histoire de l'art s'est intéressé depuis 2004 au pointillisme. S'inspirant d'œuvres de Signac, Seurat, Cross, l'artiste revisite leur peinture dans ses « Flatscreens », dont Snow over Seurat, entrée grâce au groupe Partouche dans les collections du musée à l'issue de la deuxième biennale d'art contemporain du Havre, est une pièce emblématique. Dans ces surfaces encadrées, le pixel de la vidéo se substitue au point néo-impressionniste. Le motif, animé, se modifie, se pixellise évoquant neige ou oiseaux jusqu'à l'abstraction et la disparition.