ARNOULD, Turbo-réacteur
Reynold ARNOULD (1919-1980)
Turbo-réacteur
vers 1958-1959
gouache
52 x 66 cm
Le Havre, musée d’art moderne André Malraux, don Marthe Arnould, 1981
© 2015 MuMa Le Havre / Charles Maslard
Turbo-réacteur
vers 1958-1959
gouache
52 x 66 cm
Le Havre, musée d’art moderne André Malraux, don Marthe Arnould, 1981
© 2015 MuMa Le Havre / Charles Maslard
Le compte-rendu de la première réunion, le 15 février 1957, du groupe des mécènes de l’exposition Forces et rythmes de l’industrie donne les grandes lignes du projet d’exposition, alors intitulée L’Epopée machiniste. A cette date, il était prévu d’exposer une centaine d’œuvres, pour l’essentiel des toiles, mais aussi d’autres créations plastiques « utilisant […] les matériaux les plus divers[1] ». Reynold Arnould a apparemment renoncé à cette démarche ambitieuse, peut-être parce qu’il réalisait simultanément la décoration, en matériaux composites, du collège moderne de garçons au Havre. De ce projet d’incorporation de matériaux industriels dans la création plastique, n’a subsisté dans l’exposition finale, outre quelques éléments en aluminium de la décoration du collège moderne de garçon du centre du Havre qu’il réalisait parallèlement, que quatre gouaches incorporant des feuilles d’aluminium, dont Turbo-réacteur. L’œuvre est vraisemblablement inspirée par le moteur de la Caravelle, premier biréacteur civil produit au monde, dont le premier exemplaire commercial sort de l’usine Sud-Aviation de Toulouse en avril 1958. Ses moteurs étaient produits par l’entreprise Rolls-Royce.
Reynold Arnould était très lié par divers côtés au milieu de l’aluminium. Son mécène le plus actif lors du montage de l’exposition Forces et rythmes de l’industrie était l’ingénieur Jean Albert Grégoire, pionnier de l’usage de l’aluminium dans l’industrie automobile. La firme Pechiney s’était également engagée dans l’opération. Reynold Arnould était par ailleurs proche de Jean Prouvé, qui a contribué à la construction du nouveau musée du Havre par la conception des paralumes du toit ainsi que d'une porte monumentale en aluminium. L’usage de ce métal est en soi une affirmation de la part du peintre. L’exploitation industrielle de l’aluminium, découvert au XIXe siècle, est un élément important de la « seconde révolution industrielle » de la fin du XIXe siècle. Mais ce métal à l’éclat blanc reste souvent considéré au XIXe siècle avec un certain mépris dans le monde des arts décoratifs. En 1896, le philosophe et sociologue français Gabriel Tarde raille, dans son roman d’anticipation, Fragment d’histoire future, le mauvais goût bourgeois par l’invocation d’un souverain imaginaire qui aurait « fait dresser, aux frais de l’État, une statue de Louis-Philippe en aluminium battu, au milieu d’un jardin public planté de lauriers sauce et de choux-fleurs »[2]. En 1911 est créé le cartel L’Aluminium Français pour promouvoir le matériau, en faisant valoir ses capacités techniques, mais aussi sa valeur esthétique. Invention française, l’aluminium est mis en valeur lors de l’exposition internationale de 1937. Dans les années 1950, Jean Prouvé contribue abondamment à sa promotion esthétique. Sa coloration par anodisation est par ailleurs utilisée dès le début des années 1960 par un groupe d’artistes belges : les Aluchromistes. Au Havre, le peintre et sculpteur Raymond Gosselin emploiera également ce métal dans les années 1970[3].
Sur le carton crayonné et gouaché, ont été collées des lamelles d'aluminium brut, brillant, mais aussi d'aluminium anodisé de couleurs noire, bleu sombre, bleu clair, ocre et écru, qu'il est difficile sur la photographie de distinguer des traits de gouache. Il est vraisemblable que ces matériaux sont des chutes provenant du chantier de la décoration du Collège moderne des garçons que Reynold Arnould mène en même temps qu'il prépare son exposition.
[1] Document cité in Gwenaële Rot et François Vatin, Reynold Arnould. Une poétique de l'industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019, p. 55.
[2] Gabriel Tarde, Fragment d’histoire future, Paris, Laborintus, 2019, préface de François Vatin.
[3] Serge Reneau (avec la collaboration de Raymond Gosselin), « Au Havre, l’aluminium a pris des couleurs », Cahiers d’histoire de l’aluminium, n° 54, vol. 1, 2015, p. 9-31, ainsi que Gwenaële Rot et François Vatin, « L’art et l’usine. Raymond Gosselin (1924-2017) et la sculpture automobile », Artefact, décembre 2019, p. 199-249 et cahier-couleur.
Reynold Arnould était très lié par divers côtés au milieu de l’aluminium. Son mécène le plus actif lors du montage de l’exposition Forces et rythmes de l’industrie était l’ingénieur Jean Albert Grégoire, pionnier de l’usage de l’aluminium dans l’industrie automobile. La firme Pechiney s’était également engagée dans l’opération. Reynold Arnould était par ailleurs proche de Jean Prouvé, qui a contribué à la construction du nouveau musée du Havre par la conception des paralumes du toit ainsi que d'une porte monumentale en aluminium. L’usage de ce métal est en soi une affirmation de la part du peintre. L’exploitation industrielle de l’aluminium, découvert au XIXe siècle, est un élément important de la « seconde révolution industrielle » de la fin du XIXe siècle. Mais ce métal à l’éclat blanc reste souvent considéré au XIXe siècle avec un certain mépris dans le monde des arts décoratifs. En 1896, le philosophe et sociologue français Gabriel Tarde raille, dans son roman d’anticipation, Fragment d’histoire future, le mauvais goût bourgeois par l’invocation d’un souverain imaginaire qui aurait « fait dresser, aux frais de l’État, une statue de Louis-Philippe en aluminium battu, au milieu d’un jardin public planté de lauriers sauce et de choux-fleurs »[2]. En 1911 est créé le cartel L’Aluminium Français pour promouvoir le matériau, en faisant valoir ses capacités techniques, mais aussi sa valeur esthétique. Invention française, l’aluminium est mis en valeur lors de l’exposition internationale de 1937. Dans les années 1950, Jean Prouvé contribue abondamment à sa promotion esthétique. Sa coloration par anodisation est par ailleurs utilisée dès le début des années 1960 par un groupe d’artistes belges : les Aluchromistes. Au Havre, le peintre et sculpteur Raymond Gosselin emploiera également ce métal dans les années 1970[3].
Sur le carton crayonné et gouaché, ont été collées des lamelles d'aluminium brut, brillant, mais aussi d'aluminium anodisé de couleurs noire, bleu sombre, bleu clair, ocre et écru, qu'il est difficile sur la photographie de distinguer des traits de gouache. Il est vraisemblable que ces matériaux sont des chutes provenant du chantier de la décoration du Collège moderne des garçons que Reynold Arnould mène en même temps qu'il prépare son exposition.
[1] Document cité in Gwenaële Rot et François Vatin, Reynold Arnould. Une poétique de l'industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019, p. 55.
[2] Gabriel Tarde, Fragment d’histoire future, Paris, Laborintus, 2019, préface de François Vatin.
[3] Serge Reneau (avec la collaboration de Raymond Gosselin), « Au Havre, l’aluminium a pris des couleurs », Cahiers d’histoire de l’aluminium, n° 54, vol. 1, 2015, p. 9-31, ainsi que Gwenaële Rot et François Vatin, « L’art et l’usine. Raymond Gosselin (1924-2017) et la sculpture automobile », Artefact, décembre 2019, p. 199-249 et cahier-couleur.
Notice établie par François Vatin, auteur avec Gwenaële Rot de l'ouvrage Reynold Arnould. Une poétique de l'industrie, Paris, Presses universitaires de Nanterre, 2019
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