Marquet, Le Havre, le bassin
L’œuvre fauve d’Albert Marquet, Le Havre, le bassin (1906) entre dans les collections du MuMa grâce à un financement croisé, public /privé exceptionnel. L’achat de cette œuvre historique représente une acquisition majeure, le corpus des œuvres fauves de Marquet peintes au Havre se résumant à 18 toiles, et celle-ci étant l’une des rares encore disponibles sur le marché de l’art.
Albert MARQUET (1875-1947), Le Havre, le bassin, 1906, huile sur bois, 61,4 x 50,3 cm. Le Havre, Musée d’art moderne André Malraux, achat de la Ville avec l’aide de l’État Fonds du Patrimoine, la Région Normandie Fonds régional d’acquisition des musées, l’AMAM, et les entreprises Helvetia, Chalus Chégaray et Cie, CRAM, CRIC, 2019. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert Marquet (1875-1947)
Né à Bordeaux en 1875, Albert Marquet se forme à Paris dans l’atelier de Gustave Moreau. Il y rencontre Henri Matisse, de six ans son aîné, et se lie d’amitié avec lui, mais aussi avec Henri Manguin, Georges Rouault, Jules Flandrin, Charles Camoin. Ensemble, ils s’engagent dans l’aventure du fauvisme. Marquet expose avec eux au Salon d’Automne de 1905 qui consacre l’émergence de cette nouvelle peinture basée sur l’emploi de couleurs vives, lié à l’abandon de la perspective traditionnelle. Parmi les visiteurs de ce salon qui fait sensation, Raoul Dufy et Georges Braque découvrent, enthousiastes, les œuvres de Matisse et de ses compagnons. Ils y retrouvent un autre Havrais, Othon Friesz, qui expose en parallèle, mais n’a pas encore rallié les tenants de cette nouvelle forme d’art.
1906 marque la conversion des trois Havrais - Dufy, Braque, Friesz - au fauvisme. Cette même année, ils créent, avec de grands collectionneurs - Olivier Senn, Charles-Auguste Marande, Georges Dussueil, Peter van der Velde… -, le Cercle de l’art moderne, une association dont l’objectif est de promouvoir l’art moderne dans la cité normande. La première exposition du Cercle ouvre le 26 mai 1906 et réunit des œuvres d’artistes impressionnistes comme Monet ou Renoir, mais surtout celles de ces jeunes artistes qui ont fait scandale au Salon d’Automne, comme Matisse, Derain, Vlaminck…et Marquet, qui présente deux toiles.
1906 marque la conversion des trois Havrais - Dufy, Braque, Friesz - au fauvisme. Cette même année, ils créent, avec de grands collectionneurs - Olivier Senn, Charles-Auguste Marande, Georges Dussueil, Peter van der Velde… -, le Cercle de l’art moderne, une association dont l’objectif est de promouvoir l’art moderne dans la cité normande. La première exposition du Cercle ouvre le 26 mai 1906 et réunit des œuvres d’artistes impressionnistes comme Monet ou Renoir, mais surtout celles de ces jeunes artistes qui ont fait scandale au Salon d’Automne, comme Matisse, Derain, Vlaminck…et Marquet, qui présente deux toiles.
Marquet au Havre
Fin juin 1906, Marquet rejoint Dufy au Havre quelques jours avant la fermeture de l’exposition du Cercle. L’intérêt qu’il suscite auprès des amateurs le conduit à suivre de près d’éventuelles transactions. Il s’installe avec son ami en plein cœur de la ville historique, à l’hôtel du Ruban Bleu (19 place de l’Arsenal) situé entre le Bassin du Commerce et le Bassin du Roy. Tandis que Georges Braque et Othon Friesz partent à Anvers pour y peindre leurs premières toiles fauves, Dufy et Marquet, qui se connaissent depuis 1901 et ont déjà travaillé ensemble en Normandie en 1904, commencent une fructueuse collaboration au Havre. Ils peignent côte à côte dans une ville en liesse, puisque les célébrations de la fête nationale s’accompagnent, du 9 au 16 juillet, d’un événement nautique majeur, « La Grande Semaine maritime ». En cette saison estivale la ville fournit donc de nombreux motifs à Marquet et à Dufy : les rues et les quais pavoisés, plus loin, la plage avec ses estacades envahies par les promeneurs et les baigneurs.
Le Havre, le bassin
Installé à l’hôtel du Ruban Bleu, Marquet embrasse un paysage portuaire dense. Sur les quais ou de sa fenêtre, il varie les points de vue et exécute un ensemble de onze toiles. Ici, l’artiste plonge son regard vers la place de l’Arsenal en contrebas et se tourne vers le Sud. Dans l’ombre, on distingue quelques baraques foraines, un mât portant trois drapeaux tricolores. Plus loin, dans le soleil, apparaissent le Bassin du Roy, le quai des Casernes (actuel quai Michel-Féré), avec la haute silhouette de l’hôtel Suisse, autre établissement fréquenté par les artistes de passage. A l’extrémité droite enfin, on aperçoit l’anse Notre-Dame et en perspective, l’avant-port.
Faisant le choix d’une lumière d’après-midi, Marquet crée des effets contrastés. Tandis que la place à ses pieds est plongée dans l’ombre, le quai en face est chaudement éclairé par les rayons du soleil. La couleur contribue fortement à structurer l’œuvre en plans étagés : une dominante froide, presque monochrome, dans la partie inférieure, tout juste relevée de quelques touches rouges, vertes et blanches, en opposition à une dominante chaude dans le tiers supérieur.
La place, le bassin et le quai occupent presque entièrement l’espace du tableau tandis que le ciel est réduit à une mince bande de couleur. Marquet s’affranchit des règles de la perspective traditionnelle, en créant, par ce basculement vers le bas, un effet de saturation de l’image. L’artiste ménage cependant un point de fuite, à l’extrémité droite de la toile. Cette ouverture ténue, cadrée à gauche par la haute silhouette jaune d’un pylône électrique correspond à l’endroit où le bassin du Roy se resserre et devient, au-delà du pont du même nom, l’anse Notre-Dame. C’est par là que la mer pénètre, au gré des marées, au cœur des bassins. Au-delà, l’espace se dilate et s’ouvre vers l’avant-port, comme une promesse du large.
Faisant le choix d’une lumière d’après-midi, Marquet crée des effets contrastés. Tandis que la place à ses pieds est plongée dans l’ombre, le quai en face est chaudement éclairé par les rayons du soleil. La couleur contribue fortement à structurer l’œuvre en plans étagés : une dominante froide, presque monochrome, dans la partie inférieure, tout juste relevée de quelques touches rouges, vertes et blanches, en opposition à une dominante chaude dans le tiers supérieur.
La place, le bassin et le quai occupent presque entièrement l’espace du tableau tandis que le ciel est réduit à une mince bande de couleur. Marquet s’affranchit des règles de la perspective traditionnelle, en créant, par ce basculement vers le bas, un effet de saturation de l’image. L’artiste ménage cependant un point de fuite, à l’extrémité droite de la toile. Cette ouverture ténue, cadrée à gauche par la haute silhouette jaune d’un pylône électrique correspond à l’endroit où le bassin du Roy se resserre et devient, au-delà du pont du même nom, l’anse Notre-Dame. C’est par là que la mer pénètre, au gré des marées, au cœur des bassins. Au-delà, l’espace se dilate et s’ouvre vers l’avant-port, comme une promesse du large.
Marquet et Dufy
L’exposition Dufy au Havre permet de mesurer la proximité artistique des deux amis, mais aussi de saisir leur personnalité propre. Les trois Rues pavoisées de Dufy présentées au MuMa en 2019 sont peintes à quelques centaines de mètres seulement de l’endroit où Marquet a exécuté son Bassin. Certes, le motif diffère. Les Rues pavoisées ont été exécutées dans les petites rues étroites du vieux Havre, alors que le Bassin l’a été sur un quai, très ouvert. L’effet de saturation de l’espace est donc naturellement beaucoup plus saisissant dans les œuvres de Dufy. Mais le traitement accentue cette impression.
Chez Marquet, les quelques silhouettes rapidement esquissées des passants sur le quai, confèrent au paysage urbain, une impression de vide. L’artiste sait rendre, mieux que nul autre, cette sensation de vacuité et de silence. Dufy, au contraire, excelle à peindre l’agitation de ces rues populeuses. Fuyantes chez Marquet, les figures sont plus nombreuses et solidement campées chez Dufy qui ne craint pas de représenter la foule.
Si les couleurs claquent dans les toiles des deux amis fauves, Marquet est économe en matière, travaillant avec un pinceau peu chargé, alors que Dufy préfère une peinture plus riche, couvrante, se laissant aller à de véritables empâtements. Mais, sous l’influence de Marquet, le Havrais emprunte à son ami, le temps de ce compagnonnage normand, sa manière de cerner de sombre les contours des différents éléments qui composent le paysage.
Chez Marquet, les quelques silhouettes rapidement esquissées des passants sur le quai, confèrent au paysage urbain, une impression de vide. L’artiste sait rendre, mieux que nul autre, cette sensation de vacuité et de silence. Dufy, au contraire, excelle à peindre l’agitation de ces rues populeuses. Fuyantes chez Marquet, les figures sont plus nombreuses et solidement campées chez Dufy qui ne craint pas de représenter la foule.
Si les couleurs claquent dans les toiles des deux amis fauves, Marquet est économe en matière, travaillant avec un pinceau peu chargé, alors que Dufy préfère une peinture plus riche, couvrante, se laissant aller à de véritables empâtements. Mais, sous l’influence de Marquet, le Havrais emprunte à son ami, le temps de ce compagnonnage normand, sa manière de cerner de sombre les contours des différents éléments qui composent le paysage.
Images d'archive
Le Havre. Quai Videcoq, carte postale, vers 1900. La carte postale présente un point de vue assez similaire à celui choisi par Marquet. Mais le photographe s’est installé en face du quai des Casernes (actuel Féré), sur le quai Videcoq, alors que l’artiste a peint, plus en amont, depuis la place de l’Arsenal, escamotant totalement le quai à droite. On distingue le grand pylône électrique à côté du pont Notre-Dame.
Le Havre. Bassin du Commerce, vers 1900. Tel est le spectacle qui s’offre à Marquet depuis la chambre de son hôtel, en regardant plein est.
Le Havre. Bassin du Commerce, vers 1900. Tel est le spectacle qui s’offre à Marquet depuis la chambre de son hôtel, en regardant plein est.
- Le Havre, Quai Videcoq.. archives municipales du Havre, Collection Mainier. © Archives municipales Le Havre / E.L.D., Paris
- Vue d'ensemble des Bassins et de la Place Gambetta avec en arrière-plan l'hôtel du Ruban Bleu qui sert d'atelier à Albert Marquet l'été 1906, Années 1910, carte postale. archives municipales du Havre. © Archives municipales Le Havre / E.L.D., Paris
- Le Havre. Bassin du Commerce. , vers 1900, carte postale. archives municipales du Havre
- C'est bien Albert Marquet que l'on voit peindre un motif qui lui est cher : l'estacade ! La photographie a été prise en La légende de la carte postale est savoureuse : à cette date, Marquet n'a plus rien d'un peintre impressionniste mais tout d'un fauve !, 1906, carte postale L. L.. Le Havre, Bibliothèque Municipale
- George Besson, Raoul Dufy et Albert Marquet posant devant leur toile « Le 14 Juillet au Havre », sur la terrasse du Café du Nord, au Havre, 1906, photographie, 12,6 × 17,7 cm. Besançon, bibliothèque municipale, fonds Besson
Sélection de bassins du Havre d'Albert Marquet
Albert MARQUET (1875-1947), Le Havre, le bassin, 1906, huile sur bois, 61,4 x 50,3 cm. Le Havre, Musée d’art moderne André Malraux, achat de la Ville avec l’aide de l’État Fonds du Patrimoine, la Région Normandie Fonds régional d’acquisition des musées, l’AMAM, et les entreprises Helvetia, Chalus Chégaray et Cie, CRAM, CRIC, 2019. © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Albert MARQUET (1875-1947), Le Havre, 1906, huile sur toile, 65 x 81 cm. Zurich, Emil Bührle Collection. © Emil Bührle Collection
Albert MARQUET (1875-1947), Bassin au Havre (Le Bassin du Roy), 1906, huile sur toile, 65 x 80,5 cm. Caen, musée des beaux-arts, dépôt du Centre Pompidou, MNAM/CCI, Paris. Achat de l’État, 1930. © Philippe Alès
Albert MARQUET (1875-1947), L’Avant-port du Havre, 1934, toile marouflée sur carton, 33 x 40,8 cm. © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn
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Publications
De Delacroix à Marquet. Donation Senn-Foulds, dessins
Catalogue d’exposition — Le Havre, musée d’art moderne André Malraux, 12 mars 2011 – 22 mai 2011
Auteurs : Annette Haudiquet, Géraldine Lefebvre, Louis André
Édition : Somogy, Paris, 2011, 319 p.
ISBN 978-2-7572-0439-9
Sur les quais. Ports, docks et dockers, de Boudin à Marquet
Catalogue d’exposition — Le Havre, musée Malraux, 18 octobre – 25 janvier 2009 ; Bordeaux, musée des beaux-arts, 26 février – 14 juin 2009
Auteurs : Annette Haudiquet, Olivier Le Bihan et coll.
Édition : Somogy, Paris, 2008, 262 p.
ISBN 978-2-7572-0213-5
Catalogue d’exposition — Le Havre, musée d’art moderne André Malraux, 12 mars 2011 – 22 mai 2011
Auteurs : Annette Haudiquet, Géraldine Lefebvre, Louis André
Édition : Somogy, Paris, 2011, 319 p.
ISBN 978-2-7572-0439-9
Sur les quais. Ports, docks et dockers, de Boudin à Marquet
Catalogue d’exposition — Le Havre, musée Malraux, 18 octobre – 25 janvier 2009 ; Bordeaux, musée des beaux-arts, 26 février – 14 juin 2009
Auteurs : Annette Haudiquet, Olivier Le Bihan et coll.
Édition : Somogy, Paris, 2008, 262 p.
ISBN 978-2-7572-0213-5